Le politiquement correct sans ta mère ou la "morale victimaire"
Le "politiquement correct" qu'est ce que c'est ? L'expression, dérivée de l'américain "politically correct" décrit mal le phénomène sociologique. Il serait mieux de l'appeler en bon français "morale victimaire"qui décrit, de façon plus simple et plus précise, le mécanisme de pensée en arrière-plan.
De quoi s'agit-il ? D'un réflexe conditionné, imprimé dans le cerveau de la population occidentale en plusieurs décennies d'audiovisuel (on verra comment et pourquoi dans un autre probable article). Le principe moral à l'oeuvre est :
Toute victime a droit a une compassion officielle, obligatoire et totale
ce qui est sensé compenser les préjudices qu'elle subit, pour obtenir une sorte d'égalisation entre les victimes et les "favorisés". Cette compassion exclut le droit à toute critique envers une victime. La victime a toujours raison. Elle ne peut être ni méchante, ni bête, ni ignorante. En dernier ressort, si elle l'est quand même elle a toutes les excuses pour, ce qui in fine transforme son tort en raison. Critiquer une victime ou un groupe de victimes est moralement répréhensible. On appelle cela la "stigmatisation".
Par symétrie, l'auteur d'une stigmatisation prend le statut de bourreau dans l'inconscient collectif. A ce titre, il risque l'excommunication dans le système moral actuel. L'excommunication est prononcée quand le "stigmatiseur" est officiellement étiqueté "d'extrême droite" ou "proche de 'extrême droite". A partir de là, il n'a plus qu'à racheter son âme au diable et personne ne peut plus rien pour lui.
Mais qu'est ce qu'une victime ? Certains sont dominés, ou supposés l'avoir été. On les appellera les "victimes institutionnelles" : estampillées "victimes" par le pouvoir idéologique et moral (de nos jours les mass media audiovisuels). Par ordre décroissant d'importance dans la hiérarchie victimaire on trouve :
- les victimes par héritage de la colonisation : arabes, musulmans et noirs (curieusement, les asiatiques de l'ex Indochine française ne sont pas estampillés)
- les victimes par héritage des massacres de masse de la deuxième guerre mondiale : gitans, homosexuels,juifs
- les brimés par la société ou les institutions : SDFs, chômeurs, cancres, victimes de scandales sanitaires
- les plus faibles physiquement ou psychologiquement : femmes, enfants, handicapés
- au bas de l'échelle victimaire, les victimes de victimes. Leur statut de victime est précaire et dépend de la position de leur bourreau dans la hiérarche victimaire.
Les idéologies comme l'antiracisme, le féminisme, le pédagogisme, etc..., sont de simples sous-produits de la morale victimaire, transposée à un groupe particulier.
Il y a des cancres à l'école ? Ce sont des victimes soit de la société, soit du système éducatif, étriqué. Pour éviter de les "stigmatiser", on cherchera à éliminer les notes ou le redoublement vécus comme critiques. Les musulmans sont d'anciens colonisés ? Critiquer leur religion sous quelque angle que ce soit est une "stigmatisation" islamophobe inacceptable. Le clandestin est pauvre, dominé dans son pays et souvent une victime par héritage de la colonisation ? Nul n'oserait lui reprocher de s'être invité illégalement dans notre pays, on vous l'a dit il ne peut pas avoir tort. Il devient un "sans papier" : l'expression suggère qu' il devrait recevoir automatiquement une carte d'identité française pour le consoler, si au moins l'administration française n'avait pas l'esprit aussi étriqué. Quelqu'un se hasarde à moquer publiquement la Gay Pride pour son côté légèrement "cage aux folles" ? Stigmatisation homophobe inacceptable ! On ose se demander d'où vient l'argent de gens qui vagabondent sur les routes et ne travaillent pas ? Qu'est ce que vous insinuez ? Ils ont forcément des revenus honnêtes, puisqu'on ne peut rien leur reprocher. Arrêtons la stigmatisation. Enfin, on notera que la morale victimaire va se nicher jusque dans le code de la route : en cas d'accident, le piéton, plus faible, a légalement toujours raison en face de l'automobiliste.
Il est intéressant d'obtenir un statut institutionnel de victime par les avantages qu'on pourra en tirer en tant que communauté : immunité et complaisance, souvent convertibles en passes-droits ou évolutions législatives incohérentes avec les les principes républicains.
Le mérite, le courage ? Maintenant uniquement réservé aux victimes habitant les "quartiers populaires". Pour les autres, aucun mérite, c'était facile. Ils sont nés avec une cuillère d'argent dans la bouche. Quand un enfant de pauvre échoue au concours d'entrée aux grandes écoles, c'est parce que ses parents n'ont pas pu lui payer de cours du soir. Evidemment, puisqu'un enfant de victime ne peut pas être bête. Non, il pense différemment. Et les examens, étriqués, ne sont pas adaptés à son mode de pensée. L'enfant de victime labellisée n'est pas inculte non plus. Sa culture est différente. Grâce à son passe-droit pour franchir la barrière des examens ou concours, il pourra apporter sa "différence" aux pauvres bolosses qui ont, eux, réussi par les voies (étriquées) prévues initialement par l'administration.
Ok, on l'aura compris, je suis un gros jaloux qui aimerait bien lui aussi être reconnu comme victime, même un tout petit peu. Et profiter de la nouvelle reconnaissance sociale qui va avec. Mais en tant qu'homme blanc, français moyen de souche, hétérosexuel en CDI ça va être très très dur...D'ailleurs ai-je la qualification morale pour écrire cet article ? Il semblerait bien que non. Je ne suis victime en rien. Donc, "favorisé". Donc, par symétrie, suspect à 100% d'être bête, méchant, ignorant, à l'esprit étriqué et d'avoir tort sur tout. Un gros beauf franchouillard. Ce qui est prouvé par le présent article à l'ironie déplacée et particulièrement stigmatisante. CQFD.